Collision d'Überlingen  
 
 

Le 1er juillet 2002, un Boeing 757-200 cargo de DHL décolle de Bahrain et se dirige vers le nord de l'Europe. Son altitude est de 36000 ft (niveau 360)

Simultanément, le centre de contrôle de Munich transmet au contrôle aérien de Zürich un avion charter de la compagnie russe "Bashkirian Airlines" venant de Moscou et se dirigeant vers Barcelone. Cet appareil, un Tu 154, vole également à 36000 ft.

Les deux avions se retrouvent à un moment sous le contrôle de "Skyguide", le contrôle aérien suisse.

Peu après, le contrôleur aérien de "Skyguide" enjoint au Tu 154 d’amorcer sans retard une descente jusqu’au niveau de vol 350 afin que le problème de croisement se résolve conformément aux procédures. Le pilote russe ne réagit pas et le contrôleur aérien répète son ordre avec insistance. Puis le pilote finit par obtempérer et par amorcer la descente.

En même temps le pilote du B757 annonce que son système de prévention des collisions en vol (TCAS) l‘avertit du rapprochement de l’autre appareil et lui ordonne une manœuvre d’évitement en  descente qu‘il entame immédiatement.

Après ces interventions, les symboles des appareils sur l’écran radar du contrôle aérien demeurent encore visibles une demi-minute environ, mais il n’y a plus de contact radio avec les deux avions concernés.

Les appareils se percutent à un kilomètre environ au nord d’Uberlingen. Il y avait un total de 71 personnes à bord de ces deux avions dont un grand nombre d'enfants.

 

Le Boeing 757 A9C-DHL accidenté (photo Koen Gladines-Airliner-net)

Le Tu-154M RA-85816 accidenté

Les causes

4 ans plus tard, en mai 2006, un premier procès se tient à Constance qui souligne que la surveillance de cet espace aérien incombe officiellement à l'Allemagne, même si les contrôleurs aériens suisses assument cette tâche depuis la Seconde Guerre mondiale, mais sans accord signé entre les deux Etats, donc sans base juridique. Le jugement souligne en outre que les erreurs de surveillance ont été plus décisives que les erreurs de pilotage.

"La manière dont la surveillance aérienne était organisée par Skyguide à l'époque est la cause majeure de la collision", a dit le juge, ajoutant: "Ce qui s'est passé cette nuit est incompréhensible et inacceptable".

Et pour cause, les aiguilleurs du ciel travaillaient dans des conditions techniques peu optimales. Et c’est peu dire.
Le système d’alerte automatique était en effet débranché pour un contrôle de routine. Et les aiguilleurs devaient travailler sur une ligne téléphonique d’appoint, la principale étant en dérangement suite à des travaux.

 

La Justice

En 2007, un tribunal suisse de Zürich condamne quatre des huit collaborateurs de la société suisse de contrôle aérien Skyguide accusés d'homicides par négligence dans la catastrophe aérienne d'Überlingen.

Trois des accusés, cadres chez Skyguide, ont été condamnés à douze mois de prison avec sursis, et un quatrième, responsable des travaux d'équipement effectués dans le centre de contrôle le soir du drame, a été condamné à une amende.

Les quatre autres accusés ont été acquittés.

Selon les juges suisses, la collision aurait pu être évitée si davantage de précautions de sécurité avaient été prises, en imposant une surveillance par deux aiguilleurs du ciel, et non un seul comme il était de coutume durant la nuit: "Si deux contrôleurs aériens avaient été présents, l'accident aurait pu être évité. La présence d'un deuxième contrôleur aérien aurait été d'autant plus nécessaire la nuit du drame que des travaux étaient effectués dans le centre. Les cadres savaient que ces travaux rendraient le travail des aiguilleurs plus difficile mais n'ont pas pris les mesures nécessaires", a déclaré le président du tribunal.

Le lendemain, des familles des victimes ont exprimé leur indignation. Elles ont estimé que les peines prononcées par le tribunal étaient "ridicules".

 

Le rapport final du BFU - rapport en allemand - rapport en anglais    

Sur le site de Skyguide - DossierUeberlingen

Les trajectoires des deux avions et la retranscription des CVR et échanges radio ICI (PDF - 2Mo)

  

Illustration de la collision selon le rapport final du BFU (BEA allemand)

 

La partie arrière du Tu-154

L'aile droite du Tu-154

Certaines parties des avions sont tombés très près des habitations. Ici, la partie centrale de l'aile du Tu-154 qui a du occasionner la frayeur de leur vie aux habitants de cette maison.

  

Les moteurs gauche et droit du B757 de DHL se sont enfoncés dans le sol sous leur poids et la violence du choc

 

Les experts se mettent au travail sous une surveillance militaire omniprésente

  

 

   

Les débris des deux avions sont dispersés tout le long de leurs trajectoires respectives.

En haut, l'aile et le train du Tu 154, en bas, des débris du B757 de DHL

  

 

Les familles des enfants russes sont emmenées sur les lieux du crash afin qu'elles puissent se recueillir

A bord du Tupolev russe se trouvaient 69 personnes, dont 47 enfants d'une école du Bachkortostan financée par l'UNICEF qui allaient passer des vacances en Espagne.

  

Deux ans plus tard, en 2004, un porte-parole des familles des victimes qualifie de "misérable" une indemnisation pour les proches des victimes provenant d'un fonds mis en place par l'Allemagne, la Suisse et Skyguide.

Indemnisation des familles russes

Pour indemniser les familles des victimes, il est décidé que la Suisse, l'Allemagne et Skyguide participeront à un fonds en faveur des proches des victimes du crash d'Überlingen. La Suisse et l'Allemagne devraient payer chacune environ 10 millions de dollars.

"Le gouvernement suisse montre ainsi qu'il veut contribuer à une solution globale qui se fonde sur une formule éprouvée dans le monde entier", selon Daniel Eeckmann, porte-parole du ministère des finances. Sans pour autant reconnaître une responsabilité juridique.
Il précise par ailleurs que s’il est prouvé que les pilotes ont eux aussi une part de responsabilité dans l’accident, les compagnies aériennes devront également contribuer au fonds.
En attendant, les avocats allemands des proches des victimes exigent des compensations de l’ordre de 100 millions suisses (70 millions d'€) Ce qui représente grosso modo «1,62 millions d'€ par passager», précise l’avocat allemand Michael Witti qui représente les intérêts de 40 familles de victimes. Et d’ajouter que la poursuite ou non d’une action judiciaire dépendra de la somme qui sera mise à disposition pour le fonds de compensation.

Acquittement à bon marché

En attendant, les familles des victimes ne sont pas satisfaites. Et elles le font savoir.
Pour elles, la Suisse, l'Allemagne et Skyguide cherchent à «acheter» leur acquittement à bon marché.

Pour l'avocat Michael Witti, les ayant droits ne seront pas dédommagés à la hauteur de leur préjudice. D'après les indications en sa possession, la somme totale du fonds s'élèverait à environ 67 millions de francs suisses, encore loin des 130 millions de francs suisses réclamés par les avocats des proches des victimes.

«Mes clients, conclut Michael Witti, veulent être traités à l'égal des familles des victimes d'autres catastrophes aériennes.»

 

La douleur d'un père

 

Peter Nielsen, le contrôleur de "Skyguide" est mort poignardé devant sa maison à Zurich le 24 février 2004 par Vitaly Kaloyev qui fut arrêté quelques jours plus tard.

Kaloyev avait perdu sa femme et ses deux enfants dans la catastrophe, et souffrait d'une dépression nerveuse. Arrivé très vite sur les lieux du crash, il avait participé à la recherche des corps et avait retrouvé celui de l'une de ses filles, intact.

Un an après le drame, il avait demandé à la direction de "Skyguide" de rencontrer le contrôleur responsable de la catastrophe. Sa demande était restée sans réponse.

Après le meurtre, il fut examiné dans un hôpital psychiatrique et condamné en octobre 2005 à 8 ans de prison par un tribunal suisse. En Appel, cette peine a été réduite à 5 ans de prison avec sursis et 3 mois de détention ferme. Ayant déjà effectué les deux tiers de sa peine. Vitaly Kaloyev a été libéré le 12 novembre 2007. Il a été accueilli en héros à Moscou. Evoquant ainsi la "chaîne d'un kilomètre" de militants de Nachi (jeunes nationalistes russes) sur la route de l'aéroport, le quotidien proche du Kremlin Izvestia conclut : "ce qui pour la justice suisse a été un crime, a été reconnu en Russie comme un acte héroïque".

 

Chez "Skyguide", la place de Peter Nielsen n'est plus occupée et une rose blanche y est déposée chaque matin.

 

 

                                La narration de l'assassinat de Peter Nielsen

La promotion du livre d'Ariane Perret

"COLLISION EN PLEIN CIEL"

les excuses de "Skyguide" et le film de 2017

 

Un signe de rapprochement

Une sculpture de verre et de pierre mesurant 2 m de haut a été installée à l'entrée principale du nouveau siège de Skyguide à Dübendorf, près de Zurich.

 

Cette sculpture porte des ailes symboliques qui représentent les 71 victimes de l'accident du 1er juillet 2002 et le contrôleur du ciel tué le 24 février 2004 – ces dates apparaissant en or sur le mémorial.

 

 

TCAS (Traffic Collision Avoidance System)

 

Le TCAS est généralisé dans l'aviation et a permis d'éviter d'innombrables collisions d'aéronefs.

A Überlingen, ce jour là, 40 secondes avant la collision, l'aiguilleur du ciel de "Skyguide" a demandé par deux fois au pilote du Tupolev de descendre, un ordre contraire à celui que lui indiquait alors son radar anti-collision (TCAS).

Dans le même temps, en face, les deux pilotes du Boeing de DHL ont suivi les indications de leur TCAS. Et ils ont amorcé, eux aussi, une descente.

Depuis, les consignes de la FAA sont formelles: il faut désobéir au contrôleur, mais suivre les informations du TCAS.