Samedi, 1er février
1997, 14h36. Le bimoteur HS (Hawker Siddeley) 748 d'Air Sénégal
"Casamance" s'élance sur la piste de Tambacounda. A peine en l'air, un
moteur s'arrête et l'avion s'écrase en bout de piste, se brise
en deux et prend feu. Sur les 52 personnes présentes à bord, 23
vont périr dans le brasier, les 29 autres sont blessées et brûlées
à des degrés divers.
12 ans après, le 16 mai
2009, ayant trouvé le coupable, le tribunal correctionnel de
Paris condamne un mécanicien d'Air Sénégal à 30 mois de prison,
dont 15 avec sursis pour homicides et blessures involontaires.
(lire ci-dessous le détail de l'enquête judiciaire) |
L'HS 748 6V-AEO d'Air Sénégal accidenté
Jean Chesneau, un
des rescapés, raconte depuis son lit d'hôpital: " Le
bimoteur a décollé, aussitôt nous avons vu l'hélice gauche
s'arrêter. L'appareil a vacillé, puis ce fût la chute,
brutale. Il s'est écrasé, éventré, enflammé... Et chacun a
tenté de se dégager pour s'éloigner le plus possible du
brasier, en aidant les passagers les plus
touchés...L'atmosphère était étrange, je me souviens qu'il
n'y avait aucun cri, pas de panique.
Les secours
sénégalais ont été rapidement sur les lieux de l'accident,
mais du fait de l'absence de moyens, les sauveteurs ont été
très vite débordés.
Heureusement, deux
heures plus tard est arrivé un avion militaire
français avec une équipe médicale depuis Dakar, à 400 km de là. L'intervention des
soldats français a été décisive, on leur doit notre salut." |
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Jean Chesneau
raconte encore: "Nous sommes des miraculés, notamment 4
passagers en surnombre qui ont du descendre de l'avion
"surbooké". On s'est presque battus sur la piste et le
commandant de bord a du descendre de l'avion pour
séparer les gens. Heureusement, nous étions à l'arrière
et nous avons pu sauter, mais nos amis à l'avant ont
tous été déchiquetés" |
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Une des victimes ayant
déposé plainte en France, malgré la complexité du droit international, la
justice française s'est saisie de l'affaire.
Pour l'accusation, la catastrophe a été provoquée par l'arrêt du
moteur gauche de l'avion du fait de la fermeture de la valve
d'alimentation en carburant, que le mécanicien au sol, Moustapha
Diagne, aurait oublié de rouvrir avant le départ. Il a lui-même
échappé de peu à la mort, car ce n'est qu'au dernier moment
qu'on lui a demandé de débarquer, en raison de la surcharge de
l'aéronef. La justice française a fini en 2008 par
inculper le mécanicien de piste, exonérant de toute faute la compagnie
pétrolière d'avitaillement, la compagnie Air Sénégal, les
autorités aéroportuaires et réglementaires. |
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Le mécanicien de piste seul coupable
Voici des extraits de la chronique judiciaire de cette affaire
parue sur le site:
http://www.jac.cerdacc.uha.fr/internet/recherche/Jcerdacc.nsf/NomUnique/JLAE-7W8HEV
[...] Les enquêteurs de la
gendarmerie de Tambacounda avaient relevé que des anomalies de
fonctionnement du moteur droit avaient conduit le commandant de
bord à demander à Moustapha D. de procéder à une purge de ce
moteur ; cette opération avait duré deux heures et
l’embarquement des passagers s’était ensuite effectué avec
difficulté.
Le rapport de la commission d’enquête technique locale n’a pas
été rendu public par le gouvernement sénégalais, de plus les
photographies prises par les enquêteurs techniques n’avaient pas
été mises sous scellés.
La détermination des causes de l’accident repose dès lors sur
les rapports des expertises ordonnées par le magistrat
instructeur français et la position de la goupille de blocage de
la valve d’alimentation gauche constatée après le crash. Jean
Belotti, expert en aéronautique (bien connu des
lecteurs de ce site) conclut à un arrêt du
moteur gauche du fait de la fermeture de la valve d’alimentation
en carburant. Avait également été mise en cause la mauvaise
qualité du carburant laquelle avait, avant l’accident, conduit
la compagnie Air Sénégal à demander à un ingénieur chimiste de
Shell-Sénégal de tester le carburant et les opérations de
ravitaillement. L’ingénieur, tout en constatant la mauvaise
qualité du carburant, est parvenu aux mêmes conclusions que M.
Belotti.
En France, des essais de fonctionnement ont été effectués sur un
avion similaire et, par ailleurs, des analyses du carburant ont
été réalisées par le Bureau-Enquêtes-Accidents. A ces
différentes expertises se sont ajoutées celle du premier
inspecteur des accidents aériens pour le Royaume-Uni, pays du
constructeur de l’avion, et les résultats d’un essai auquel a
procédé British Aerospace avec le même appareil.
Le tribunal, s’estimant suffisamment informé par toutes ces
expertises, a refusé d’accorder aux parties civiles un
supplément d’enquête douze ans après les faits. Pour les
magistrats, il ne fait pas de doute que la cause déterminante de
l’accident est la fermeture de la valve gauche d’isolation du
carburant.
B. L’imputation
La cause technique de l’accident ayant été confirmée par les
experts, il importait de déterminer quelle était la personne qui
avait laissé la valve dans cette position. Moustapha D. ayant
nié énergiquement toute manipulation de cette valve le tribunal
ne pouvait que recourir à des témoignages.
Deux témoignages impliquant le prévenu proviennent du personnel
de l’aéroport : un préposé de la tour de contrôle de et le
responsable carburant d’Air Sénégal affirment que Moustapha D.
était intervenu pendant un certain temps sous l’aile gauche de
l’avion. Plusieurs personnes ont déclaré avoir vu un mécanicien
avec une boîte à outil travailler sous l’aile gauche mais sans
pouvoir décrire ses agissements.
Ces témoignages concordants permettent au tribunal ce conclure à
une intervention du prévenu sous l’aile gauche ; un doute
subsiste cependant quant à la nature exacte de cette
intervention.
Selon Jean Belotti la fermeture de la vanne n’a pu être opérée
qu’à l’aéroport, l’expert affirme ensuite que le mécanicien au
sol était la seule personne susceptible d’avoir qualité pour
procéder à cette opération.
C’est finalement en raison de divers témoignages que le prévenu
est tenu pour responsable de la catastrophe.
[...]
* * *
Mustapha Diagne
est condamné à 30 mois de prison dont 15 avec sursis. Etant
donné que le temps de préventive couvre sa peine, il est sorti
libre du tribunal. |
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Les avocats de la défense, de même que ceux des parties civiles,
estiment qu'il n'est qu'un lampiste, et qu'Air Sénégal, devenue
depuis Air Sénégal International, aurait dû être poursuivie. "On
ne voulait pas une tête, mais les vrais coupables", déclarait
jeudi avec amertume l'avocat des familles des victimes, Me
Jérôme Rousselle. Début avril, il avait d'ailleurs demandé un
supplément d'information, afin de déterminer les véritables
responsabilités, notamment celles des salariés de Shell et d'Air
Sénégal, responsables de l'avitaillement. Jeudi, le tribunal a
rejeté cette demande, considérant que toute recherche, douze ans
après les faits, "serait manifestement vouée à l'échec". Dans
son jugement, le tribunal a reconnu que "diverses causes
indirectes ont pu jouer dans la survenue de cette catastrophe
aérienne : "anomalies dans le stockage et la distribution du
carburant, nervosité et stress intense engendrés autour de
l'avion du fait du surbooking, irritabilité du commandant qui,
impatient de décoller, n'avait pas estimé utiles" certaines
vérifications. Toutefois, ont tranché les magistrats, "la cause
déterminante parfaitement définie par les différents experts est
la fermeture de la valve d'isolation du moteur gauche de
l'avion". |
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