A320 Halifax, atterrissage trop court  
 

Enoncé des faits le 16 juin 2015 selon le BST:

 Le 29 mars 2015, un Airbus A320-200 (immatriculation C-FTJP, numéro de série 233) d'Air Canada assurait le vol 624 entre Toronto (Ontario) et Halifax (Nouvelle-Écosse) avec à son bord 133 passagers et 5 membres d'équipage.

L'aéronef effectuait une approche en alignement de piste pour atterrir sur la piste 05 à l'aéroport international Stanfield d'Halifax. Cette technique n'offre aux pilotes que des indications sur l'écart latéral leur permettant d'aligner l'aéronef sur la piste en vue de l'atterrissage. Durant l'approche, les moteurs de l'aéronef ont sectionné des lignes de transport d'électricité puis, à environ 225 mètres avant le seuil de la piste, le train d'atterrissage principal et le fuselage arrière de l'appareil ont touché le sol recouvert de neige. L'aéronef a poursuivi sa course à travers une antenne de radioalignement de piste avant de percuter le sol, en position de piqué, à environ 70 mètres avant le seuil de la piste. Il a ensuite rebondi et glissé sur la piste avant de s'immobiliser sur le côté gauche de celle-ci, à quelque 570 mètres au-delà de son seuil.

Les passagers et l'équipage ont été évacués; 25 personnes ont subi des blessures et ont été transportées dans des hôpitaux de la région. L'aéronef a été gravement endommagé. Aucun incendie ne s'est déclaré après l'impact.

L'enquête du BST:

http://www.tsb.gc.ca/fra/enquetes-investigations/aviation/2015/a15h0002/a15h0002.asp

 

L'avion âgé de 24 ans était sorti d'usine en 1991.

La piste 05 d'Halifax n'a pas d'ILS. Seulement un Localizer pour d'alignement sur la piste couplé à un DME, système qui donne la distance. Dans le cas du LOC/DME,  ce sont des approches de non-précision. Les atterrissages automatiques sont rares puisque la piste 05 d'Halifax n'est pas équipée pour ça.

 
 

Les points caractéristiques du crash selon le site de pilotes professionnels PPrune.org.

Et sur une vue aérienne de l'aéroport.

 

A moins de 15m de hauteur, les fils de la ligne électrique ont été coupés par l'avion et l'aéroport a été plongé dans l'obscurité. A droite, en hauteur sur la bute de terre, les antennes du localizer.

(en bas) L'Airbus a cassé une partie des antennes du localizer. On distingue les traces de l'impact de l'avion juste devant les antennes démolies.

Il a ensuite rebondit jusque sur la piste. On ne voit plus aucune trace dans la neige.

Communiqué du BST du 30 mars 2015 (24h après l'accident):

L'impact initial a été important et a lourdement endommagé l'aéronef. Le train d'atterrissage principal s'est séparé et le revêtement inférieur de l'aéronef a subi des dommages importants (le fuselage et les ailes). Pendant l'impact, l'aéronef a percuté une antenne du radiophare d'alignement – qui fait partie du système d'atterrissage aux instruments – puis a repris l'air en se dirigeant vers l'avant sur la piste 05. Une importante zone de débris s'étend de l'antenne du radiophare d'alignement au seuil de la piste.

A comparer avec le communiqué en tête de page

 
  

Dans sa trajectoire et sous les chocs successifs, l'avion a perdu son train d'atterrissage et son moteur gauche et les gouvernes de profondeur sont arrachées. Les traces du "dérapage" sont bien visibles. Que le fuselage soit resté entier, sans prendre feu et sans causer de blessés sérieux tient du miracle.

On distingue dans le fond, à coté du camion de pompiers, le moteur gauche arraché

 
 

L'Airbus s'est vautré sur le moteur droit. Là encore, on s'étonne qu'un incendie ne se soit pas déclaré.

 

Le plancher a été percé par des débris qui par chance n'ont blessé personne. Tous les rescapés peuvent remercier une chance extraordinaire.

 

L'accident s'est produit au milieu de la nuit, vers 0h45. On imagine la peur des passagers!

 
Le CVR et DFDR de l'A320 accidenté présentés par le BST
 

L'évacuation et le sauvetage, infos prises dans la presse locale.

Selon des passagers, l'avion aurait volé en cercles au-dessus de l'aéroport avant de se poser, puis de glisser sur la piste vers 0h45.

Après avoir débarqué de l'avion accidenté, la plupart des passagers ont dû patienter dans la neige sur le tarmac, et les blessés ont attendu dans les véhicules des pompiers.

"Il y avait plusieurs personnes, en sang. Tout le monde a pu sortir, mais le pire était qu'ils nous ont laissé dehors pendant une heure dans la neige" qui tombait dru, a expliqué Lianne Clark à la chaîne de télévision canadienne CBC qui poursuit: «La moitié des passagers étaient en t-shirt et n’avaient pas de souliers. On nous a laissés plus d’une heure en plein milieu du tarmac, dans la neige et le froid. Il a fallu se regrouper comme des pingouins pour ne pas se faire des engelures.»

D'autres ont expliqué que pour s'abriter du froid, les passagers se pressaient par groupe sur le tarmac derrière des véhicules de sécurité. De retour de vacances au soleil du Mexique, certains passagers étaient simplement vêtus d'une chemisette ou d'une robe.

Dans la neige, quelques personnes se sont mises à courir "parce que le carburant fuyait et nous avions peur", a poursuivi Mme Clark.

A 1h25, après 50 minutes d’attente dans le froid et la neige, un autobus passe finalement prendre les passagers pour les transporter jusqu’à un hangar sans lumière, où ils poireautent à nouveau durant 30 minutes. Un second autobus vient récupérer les passagers pour les amener jusqu’à l’aéroport.

A 2h20, 1h 30 après la panne, Nova Scotia Power rétablit le courant.

Officiellement, les autorités aéroportuaires ont estimé que l'acheminement des passagers vers l'aérogare a pris 15 à 20 minutes, sans confirmer qu'une panne d'électricité sur la plateforme de l'aéroport au même moment ait pu compliquer l'intervention.

Au total 23 blessés ont été hospitalisés, certains pour des fractures ou des contusions au visage provoquées par le choc contre les sièges ou d'autres passagers.

http://www.journaldemontreal.com/2015/03/29/un-avion-dair-canada-effectue-une-sortie-de-piste-a-halifax

 
 
Une photo qui ne trompe pas. On voit parfaitement que les passagers ne portent pas grand chose sur eux et sont transis de froid. Bien emmitouflé, le technicien posté à gauche n'a pas l'air dérangé outre mesure par les conditions de l'évacuation.

 

Les passagers finissent par arriver dans l'aérogare, certains toujours aussi peu équipés, où les attendent les micros et caméras.

 

 

 
 

Le porte-parole de l'aéroport d'Halifax, Peter Spurway, n'a pas lié la panne électrique et la sortie de piste de l'avion tout en confirmant que l'éclairage de l'aérogare avait été assuré par des générateurs.

(En fait, ceux-ci seraient tombés en panne au bout de 8 minutes selon un journal local.)

"Il n'y avait plus de courant, nous ne sommes pas sûrs qu'il y ait un lien" entre la sortie de piste de l'Airbus et la panne. "Il se peut qu'il y en ait un", a-t-il dit.

Des passagers ont raconté que l'avion avait arraché une ligne électrique mais le BST n'avait pas confirmé cette hypothèse dimanche peu après l'ouverture de son enquête.

Incroyables, les passagers blessés et commotionnés ont compris plus vite que les "spécialistes" que l'avion était la cause de la panne de courant.

 

Aout 2015

5 mois plus tard, les avocats des passagers demandent de pouvoir prendre des photos de l'épave de l'avion stockée dans un hangar afin de constituer les dossiers d'indemnisation. Surprise, un tribunal canadien leur interdit l'accès de l'épave tout en donnant son accord à la compagnie aérienne pour découper cette même épave en plusieurs morceaux. Le tribunal a confirmé que les avocats et leurs clients auraient accès aux photos des enquêteurs une fois l'enquête terminée et le rapport rendu.

 

Il reste à comprendre les causes qui ont amené un A320 à se poser près de 500m avant le point de toucher habituel sur la piste. L'A320 n'est pas "sorti de la piste" comme certains médias le laissent entendre, il a "atterri" avant la piste, ce qui est beaucoup plus grave et pose d'autres questions.

Le mauvais temps explique en partie cela, mais peut-être y a-t-il d'autres causes. Attendons les conclusions du BST.

Au Mont Sainte Odile, en 1992, lors d'une approche VOR/DME, l'avion avait heurté une montagne car il allait aussi se poser bien avant le seuil de piste.