Les secrets
empoisonnés du crash d'Amsterdam
Le 4 octobre 1992, un 747 cargo de la compagnie El AL
s'écrase sur la banlieue d'Amsterdam, faisant 43 victimes.
"L'avion transportait des fleurs et des parfums", déclare aussitôt
le ministre des Transports de l'époque. Au fil des années, près de
200 personnes, se trouvant sur les lieux à l'époque, affirment
avoir contracté différentes affections après la catastrophe. En
septembre 1998, une enquête parlementaire est ouverte, elle vient
de se doubler d'une procédure judiciaire. Il semble de plus en
plus difficile de cacher que l'avion transportait des produits
destinés à la fabrication d'armes chimiques et bactériologiques.
Le nuage de fumée qui s'éleva dans la banlieue d'Amsterdam, le
4 octobre 1992, lorsqu'un 747 cargo de la compagnie El Al s'écrasa
sur une barre d'immeubles, ne s'est pas encore dissipé. Le voile
commence seulement à se lever sur les mystères qui entourent cette
terrible catastrophe aérienne.
Le secret du vol LY 1862 craque de toutes parts. Les autorités
hollandaises, ne pouvant contenir plus longtemps l'explosion de la
vérité, ont ouvert une enquête parlementaire et le gouvernement
israélien est obligé de revenir sur les fins de non-recevoir qu'il
opposait à toute demande d'information concernant cette affaire.
Pendant sept années, la version officielle sur le crash du cargo
resta celle qui fut établie le lendemain de la catastrophe par les
autorités néerlandaises, en liaison avec les responsables
israéliens.
Pendant des années, des centaines de personnes, habitants des
immeubles du quartier où le Boeing s'est abattu, sauveteurs,
policiers, se sont plaints de différents maux, difficultés
respiratoires, troubles nerveux, apparitions de cancers, dont ils
affirmaient qu'ils en avaient été affectés après la catastrophe.
Ils durent attendre de très longues années avant d'être pris au
sérieux, avant que des scientifiques essayent de déterminer si
cela était vraisemblable.
Si l'on s'en tenait à la version officielle, rien ne permettait
d'affirmer qu'il puisse y avoir une corrélation quelconque entre
l'accident et les symptômes dont se plaignaient des mois, voire
des années plus tard, les personnes qui s'étaient trouvées sur les
lieux du crash.
Tout de suite après l'accident, Hanja Maij-Weggen, le ministre des
Transports de l'époque, déclare: "Le cargo transportait des fleurs
et des parfums".
Yitzhak Rabin, le Premier ministre israélien, se dit très affecté
par les conséquences de la catastrophe, qui fit 43 morts et plus
d'une centaine de blessés graves. Les Israéliens envoyèrent deux
tonnes de jeux et de jouets à destination de Bijlmermeer, ce
quartier d'une banlieue défavorisée, que l'on surnomme Ghana Town,
parce que les immigrés ghanéens représentent une part importante
d'une population qui a du mal à survivre.
Pendant les mois, les années, qui suivirent la catastrophe, un
malaise ne cessa de fermenter et des questions furent enfin
posées. Elles ne commencèrent à trouver un début de réponse
qu'avec l'enquête parlementaire.
Un lac de feu
Les causes de l'accident étaient à peu près connues: le moteur
no3 s'était enflammé, suivi du moteur no 5; une procédure
d'atterrissage d'urgence avait été entamée, que le commandant
Yitzhak Fuchs ne put mener à bien, ses deux moteurs s'étant
détachés de l'aile.
La violence de l'explosion fut énorme, le Boeing trancha en deux
une barre d'immeubles et "un lac de feu" se répandit aussitôt. Les
ampoules des réverbères fondirent dans un rayon de plusieurs
centaines de mètres, l'avion n'avait pu se débarrasser des 71
tonnes de kérosène qui étaient dans ses réservoirs.
Ce n'est qu'en septembre 1998 que l'on commença sérieusement à
tenter de savoir ce que contenaient les soutes du Boeing.
Les documents concernant le fret sont non seulement incomplets,
mais ont été falsifiés. La cargaison a été classée en produits
dits "dangereux" et "non dangereux". Les 6.600 kg de produits à
risques étaient des "cosmétiques", de la colle, de la peinture et
des diluants. Parmi les 104.700 kg de produits non dangereux, du
matériel militaire, de l'électronique, de l'uranium appauvri.
Entre le poids réel des "matériaux non dangereux" et l'addition
faite selon la déclaration détaillée, il manque 20 tonnes.
La commission demanda des explications aux Israéliens, une fin de
non-recevoir brutale lui fut opposée. Me Polak, l'avocat d'El Al à
La Haye, déclara que ces précisions ne seraient jamais apportées
parce que cela aurait pu porter atteinte à la sécurité de l'État
d'Israël.
Les parlementaires se souviendront également que, si l'on a étudié
la "boîte noire" contenant les paramètres de vol, celle où se
trouve l'enregistrement des conversations dans le cockpit ne fut
jamais retrouvée, bien que les autorités hollandaises aient
proposé une prime de 50.000 dollars à la personne qui rapporterait
le précieux boîtier.
Au rayon des objets disparus, 32 cassettes vidéo, retraçant les
opérations de sauvetage, se sont envolées des archives de la
police; des enregistrements audio de témoignages ont été effacés.
En octobre 1998, le quotidien néerlandais NRC Handelsblad révèle
que l'avion transportait des produits chimiques servant à la
fabrication de gaz sarin.
Le Boeing arrivant de New York avait fait escale à Amsterdam et
décollait de l'aéroport de Schiphol avec pour objectif d'arriver
dans la nuit à Tel-Aviv.
Selon le journal NRC, les produits servant à la fabrication
d'armes chimiques provenaient de l'entreprise Solkatronic Chemical
à Morisville, USA, et devaient être livrés à l'Israel Institute
for Biological Research de Nes Tziona, près de Tel-Aviv.
Les cacheurs de vérité
Le journal indiquait que le ministre des Transports hollandais
cachait cette information depuis 2 ans et que les parlementaires,
ayant entre les mains les documents faisant état de la présence de
ces différents composants chimiques dans l'avion, n'avaient pas
tenté d'en savoir plus.
La publication d'une première série d'articles donna un zèle
nouveau à la commission.
L'enquête parlementaire, qui vient de se doubler d'une enquête
judiciaire, et l'aiguillon de la presse semblent avoir sorti les
politiques de leur torpeur, les premières têtes tombent.
L'enquête suit deux orientations: connaître la nature exacte des
produits transportés par le vol 1862 et établir les
responsabilités et les mobiles de ceux qui ont caché la vérité.
Juste avant d'être interrogé par la commission parlementaire, le
responsable de la sécurité aérienne retrouva une cassette
contenant l'enregistrement de conversations téléphoniques à partir
du centre de contrôle aérien. Un responsable d'El Al détaillait à
un interlocuteur de la sécurité aérienne ce que le cargo contenait
de dangereux: "Des explosifs, des munitions, du poison, des gaz,
des produits inflammables". L'homme d'El Al précisant que ces
informations ne pouvaient être communiquées, son interlocuteur
répondit: "Ils ne sauront rien".
En janvier, NRC publiait un extrait d'une conversation entre T.
Polman, chef du trafic aérien, et un contrôleur aérien, G. Knook,
se trouvant chez lui, à Almere: "T'es assis? Ce cargo regorge
d'explosifs, de poison et de gaz!"
Devant la commission parlementaire, le chef du contrôle aérien a
affirmé que, depuis 1973, la consigne était de garder secret tout
ce qui concernait la compagnie El Al.
Ce secret, les médecins, qui soignaient les centaines de personnes
se plaignant de trouble graves survenus après la catastrophe,
suppliaient qu'on le lève. Ils demandaient aux autorités
israéliennes qu'on leur donne quelques indications les aidant à
trouver une thérapeutique appropriée.
Les autorités hollandaises affichèrent tout d'abord un scepticisme
absolu concernant "ces soi-disant maladies". Ce n'est qu'au début
de cette année que le ministère de la Santé a demandé à une équipe
médicale de vérifier la probabilité d'une relation entre les
affections des malades et la catastrophe. Cette équipe estima que
sur un millier de personnes examinées, 300 semblaient souffrir de
troubles directement liés à l'accident.
La commission parlementaire entendit quelques-uns de ces malades.
L'agent de quartier P. Veen, un des premiers à se rendre sur les
lieux de la catastrophe, déclara: "J'avais l'impression que mon
sang bouillait". Selon une expertise médicale, il souffre d'une
affection bactérienne semblable à celle qui frappa certains
soldats américains revenus de la guerre du Golfe.
Le monde politique hollandais devient de plus en plus nerveux au
fur et à mesure de la progression de l'enquête. Le commandant en
chef des pompiers d'Amsterdam a allumé un contre-feu, en fin de
semaine dernière, indiquant que toute cette affaire était un
affreux malentendu.
Alain Van Der Eecken.
El Al à Bierset?
La compagnie El Al pourrait déplacer ses activités de transport de
fret, de l'aéroport de Schiphol (Amsterdam) vers celui de Bierset.
Selon plusieurs média néerlandophones, des négociations seraient
en cours et n'attendraient pour se concrétiser que l'allongement
de la piste de l'aéroport.