Bref historique du crash de HABSHEIM

 

 

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1988 - 2008 : Durant ces 20 ans, de nombreux événements et bien des rebondissements ont eu lieu. Voici le résumé de l'histoire du Crash de Habsheim.

 

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     Le 26 juin 1988, à l’occasion d’un meeting à l’aéro-club de Habsheim, près de Mulhouse, le dernier né des Airbus, l’ A320, un avion livré seulement deux jours auparavant à Air France et n'ayant que 23h de vol à son actif, doit effectuer deux passages devant le public du show aérien avec…le plein de passagers.

 

Deux Commandants de Bord de la compagnie nationale AIR FRANCE, sans aucune expérience des meetings, sont aux commandes de  l’ Airbus A320 tout neuf.

 

L’avion amorce un passage à très basse altitude, ne remonte pas et s’écrase dans la forêt en bout de piste. Trois passagers, deux enfants et une vieille dame, trouvent la mort dans le crash, une centaine d’autres sont blessés à des degrés divers.

 

Au moins 4 caméras ont filmé l’accident. De plus, les deux enregistreurs de vol, les « boîtes noires », sont récupérés intacts. Les deux pilotes rescapés peuvent  expliquer leurs gestes et parmi les centaines de spectateurs qui ont assisté au meeting, beaucoup vont témoigner spontanément.

 

 

 

 

Tout est donc réunit pour comprendre au mieux

et au plus vite les causes de l'accident!

      

 Les "autorités" de gauche à droite:

Claude GERARD, délégué régional  DGAC, 

Daniel TENENBAUM, directeur de la DGAC et 

Louis MERMAZ, Ministre des Transports

    

Les deux enregistreurs de vol, CVR (Cockpit Voice Recorder) et DFDR (Digital Flight Data Recorder) disparaissent  le  soir même,  transportés  en avion par  le Directeur de la DGAC (Direction Générale de l'Aviation Civile) Daniel TENENBAUM sans qu’aucun scellé judiciaire n’y soit apposé par l'autorité judiciaire présente sur les lieux, le Procureur de Mulhouse, Jean WOLF.

     Dès  le lendemain  soir, lundi  27 juin, toutes les voix officielles et autorisées  vont conclure à l’innocence de l’avion et aux erreurs multiples du pilote par la formule :

« TROP LENT, TROP BAS, TROP TARD ! »

 

     L’avion volait trop lentement, trop bas et les gaz ont été remis trop tard. Avec tous ses systèmes, l’ Airbus A320 a parfaitement fonctionné et seules des fautes de l’équipage sont à l’origine de l’accident.

L’enquête la plus rapide de toute l’histoire de l’aviation vient d’avoir lieu!

     Dès le lundi, la juge Mme Marchioni est désignée par le Procureur Wolf pour prendre en charge le dossier, même si elle avait prévu ses congés de longue date pour le jeudi suivant, le 30 juin. Elle quitte donc ses fonctions laissant le dossier brûlant sur son bureau. Egalement prévue de longue date, la permanence du mois de juillet au tribunal de Grande Instance de Mulhouse échoie au doyen du tribunal, le juge Germain SENGELIN.

     Les plaintes des passagers, celles du SNPL et les demandes pressantes des avocats l'amène à s'occuper du dossier dans l'urgence comme le règlement l'y oblige.

     Le mardi suivant, donc 10 jours après l'accident, le juge Germain SENGELIN va s’interroger sur l’itinéraire et la localisation des deux « boîtes noires ». Il va réussir, non sans la réticence des personnes concernées, à y faire apposer des scellés, mais après dix jours sans contrôle judiciaire, il est trop tard pour empêcher les soupçons de naître.

 

 

      Le juge Germain SENGELIN

Les deux boîtes noires du tribunal

Qui a traité et a eu connaissance du contenu des enregistreurs de vol ?

 

Dans les jours qui suivent, le juge SENGELIN va être impérieusement écarté du dossier par le procureur WOLF. Il est notoire à Mulhouse qu'un antagonisme certain animait les deux hommes depuis longtemps. En urgence, un jeune juge du Parquet est rappelé de vacances pour prendre en charge le dossier.

Enfin, selon la loi, une enquête administrative est ordonnée par le Ministre des Transports, Louis MERMAZ.

Parallèlement, l’autorité judiciaire, en l'occurrence Mme Anne-Catherine MARCHIONI , avait pris le temps avant son départ en congé, de confier une expertise à deux experts agréés, MM Raymond AUFFRAY et Michel BOURGEOIS, bien connus des milieux aéronautiques. Une autre enquête ( en interne) est décidée par Air France. Enfin une dernière est confiée par le juge Sengelin à un collège de médecins pour connaître les causes des décès et des blessures.

 

Le rapport AUFFRAY-BOURGEOIS, dès les premières pages de leurs conclusions partielles dans les mois qui suivent, mais plus encore lors de son dépôt final auprès du juge d'instruction, presque un an plus tard,  est contesté par le pilote mis en examen, mais aussi par le SNPL (Syndicat des pilotes de ligne) qui s’est porté partie civile. Un deuxième collège d'experts est alors nommé par la juge Mme MARCHIONI, MM. Max VENET et   Jean BELOTTI , qui déposent  quelques mois plus tard un pré-rapport édifiant  à lire absolument :

Synthèse du condensé de l'existant

La commission administrative BECHET , désignée par le Ministre des transports, de son côté, tarde à déposer ses propres conclusions, hésitante. Plusieurs versions circulent, variables et imparfaites. On peut se poser la question puisque dès le lendemain de l'accident, le procureur et le ministre en connaissaient les causes.

   Enfin, sur l'insistance du Parquet et du procureur Jean WOLF, le dossier de l'Affaire est "dépaysé". Le juge Sengelin "aurait son bureau trop près" de celui de Mme MARCHIONI. Deux ans après le crash, en juin 1990, le dossier quitte donc Mulhouse pour Colmar et est confié au doyen du tribunal, le juge François GUICHARD.

     Au fil des mois puis des années, les conclusions tirées des enregistrements sont de plus en plus fortement contestées par le CdB Michel ASSELINE. En 1992, il va écrire un livre pour expliquer sa thèse:           Il en ressort que la technologie de l'A 320 est en cause et les enregistrements des "boîtes noires" ont été trafiqués pour protéger le succès commercial très attendu de l'A 320.

     De son côté, le Syndicat National des Pilotes de Ligne (SNPL) édite un dossier: "l'AFFAIRE" qui soulève les multiples anomalies des expertises administrative et judiciaire et pose de nombreuses questions pertinentes au juge d'instruction François GUICHARD et aux nouveaux contre experts MM VENET et BELOTTI.

      Dans ce dossier, c'est la logique et les compétences des pilotes contre les affirmations dictées par la raison d'État qui s'opposent. En outre, commandités par Michel Asseline ou le SNPL, plusieurs travaux d'experts indépendants  français et étrangers sont balayés par le juge d’ instruction de Colmar qui ne reconnaît que les compétences des « Hommes de l'Art » nommés par lui-même ou l'institution qu'il représente.

     Une nouvelle arme est aussi utilisée par les services de l'Etat et la justice: la diffamation ! Michel ASSELINE va la subir par deux fois, diligentée par les Ministres des Transports successifs et le Directeur de la DGAC, Daniel TENENBAUM. L'acharnement et la question sont poussés à l’extrême pour balayer à tout prix les soupçons sur la merveille de Toulouse.

   Mais durant l'instruction, d'autres crashs vont  venir ternir l'image de l'avion "parfait":  

BANGALORE,  Mont Sainte ODILE,  VARSOVIE

A chaque fois, c'est "l'erreur humaine" qui sera l'explication officielle des causes des accidents. 

  Pendant cette période, les reportages et les dossiers dans la presse écrite quotidienne, magazine (Science & Vie, VSD,…) ou télévisée: Antenne 2 (F), Channel Four(GB), ZDF(D), TSR(CH)… vont interpeller la thèse officielle du pilote, unique coupable. Mais l'Etat français et tous ses rouages veillent, restent de marbre et persévèrent dans leur thèse: l'avion est hors de cause !  

Les procès

 

   Après avoir refusé la quasi totalité des demandes de confrontation des acteurs de cette affaire, de complément d’enquête ou d’expertise demandés par Michel Asseline, le juge GUICHARD clos l’instruction. Une instruction totalement à charge ainsi que le feront remarquer de nombreux juristes. La date du procès est fixée au mois de décembre 1996. Les experts, les contre experts et une kyrielle d’experts  adjoints sont mobilisés pour s’évertuer à occuper l’attention du Tribunal et faire étalage de leurs certitudes devant des juristes et des journalistes béotiens ignorants des choses et des règles de l'air durant les quatre semaines d’audience. 

     Sur le banc des prévenus, 5 accusés. (voir les photos)  Deux cadres d’ Air France, Henri PETIT, directeur des opérations aériennes et Jacques GAUTHIER, responsable de la sécurité, doivent répondre de l’organisation du vol. Le Président de l’aéroclub de Habsheim, François FURSTENGERGER doit expliquer pourquoi il n’a pas eu l’autorité nécessaire pour imposer (!) aux pilotes d’ Air France un briefing avant le vol. Enfin, le Commandant Michel ASSELINE et le Commandant Pierre MAZIERES vont devoir justifier de leur passage à basse altitude au dessus d’un terrain d’aéroclub.

     Les victimes s’étonnent de ne pas trouver sur le banc des accusés la DGAC qui avait couvert ce genre d’exhibition durant de nombreuses années et Airbus Industrie dont les affirmations et la publicité de protection absolue de l'enveloppe de vol de l’A320 ne sont sûrement pas étrangères à la présentation de Habsheim. Ces mêmes victimes, oubliées après les premiers jours de l’accident, jamais reçues ni entendues par les juges d’instruction successifs, jamais informées de l'avancée de la procédure, ont l’impression de n’être qu'un poids résiduel comme la tare de l’avion, face à la raison d’ État.

     Aujourd'hui, on s’aperçoit que les victimes et leurs familles  sont bien mieux traitées (encore que!) et ce n’est que justice pour elles. Les rescapés de l’accident de Habsheim ont été des précurseurs. Une réglementation datant de l’épopée de l’ Aéropostale des années 1930 était toujours en vigueur pour l’indemnisation des préjudices . Depuis, les choses ont bien changé et les victimes du crash de Habsheim sont conscientes et fières d’avoir contribué à cette prise de conscience. 

La photo qui accuse

 

  Après trois semaines de procès, tous les accusés sont reconnus coupables et condamnés à des amendes et à des peines de prison: François FURSTENBERGER, 3 mois avec sursis, Jacques GAUTHIER, 6 mois avec sursis, Pierre MAZIERES, 12 mois avec sursis, Henri PETIT, 18 mois avec sursis, enfin  Michel ASSELINE 12 mois avec sursis plus 6 mois fermes.

Henri PETIT, Jacques GAUTHIER et Michel ASSELINE vont faire appel de cette décision.

Quelques semaines avant la tenue de ce second procès prévu en janvier 1998, Michel ASSELINE découvre par hasard une photo prise par un journaliste de l’agence SIPA lors du survol en hélicoptère des lieux du crash le jour de l’accident. Cette photo montre Claude GERARD, délégué régional de la DGAC, portant les enregistreurs en quittant l'épave de l'avion.  

Si le personnage est petit,    l’agrandissement maximum permet de distinguer les bandes blanches du DFDR (à la main droite) : elles sont perpendiculaires aux arêtes alors que le DFDR aux mains de la justice porte des bandes orientées à 21°. A la demande de Michel ASSELINE, une analyse est effectuée par l' I.P.S.C.   (Institut de Police Scientifique et de Criminologie) de Lausanne. Le rapport n'est pas prêt avant la fin des audiences, mais le pré rapport est magistralement ignoré par la Justice qui aggrave sa peine et condamne Michel ASSELINE à 10 mois de prison ferme. Le rapport définitif de l'IPSC paraît au moment du dixième anniversaire du crash avec des conclusions formelles : le DFDR de la photo est différent de celui aux mains de la justice.

Les plaintes

 

Michel ASSELINE et les passagers portent aussitôt plainte contre X pour faux et usage de faux. Cette plainte est instruite par…..le juge GUICHARD.

Paradoxe évident et cruel dilemme, ce magistrat est sensé étudier de nouvelles plaintes en contradiction avec ses convictions et toute son instruction ainsi que les conclusions de ses experts, des experts à présent mis en cause. Après plusieurs mois de réflexion, le juge GUICHARD désigne deux techniciens de la police de Lyon, Melle WEHBI et M VIGREUX  pour étudier le rapport suisse. Leurs conclusions  s’opposent aux travaux de l’ I.P.S.C., mais sans démontrer avec certitude l’obliquité ou la perpendicularité des bandes comme l'ont pourtant affirmé très rapidement MM VENET et BELOTTI en défendant bec et ongle l'authenticité des enregistreurs du tribunal. Les victimes et le pilote demandent aussitôt une reconstitution afin de lever tous les doutes. Le juge GUICHARD y consent avant de faire volte face et de désigner un nouveau collège d’experts, MM MARTIN et LEBLANC pour étudier…la pertinence d’une reconstitution.

Michel ASSELINE décide alors de réaliser une reconstitution privée . Il construit deux boîtiers aux dimensions exactes. L’un aux bandes perpendiculaires, l’autre en diagonale et procède à des prises de vue en hélicoptère selon les hauteurs et les axes précis de la photo d'origine, déterminés entre temps dans leur rapport par le collège d’experts, MM LEBLANC et MARTIN.

     Une surprise qui n’en est pas une éclate alors aux yeux : sauf à être aveugle ou à vouloir nier l'évidence, il est tout simplement impossible de confondre des bandes perpendiculaires avec des bandes en diagonale.               

     Mais l'expertise privée n'a pas cours aux yeux de la Justice française. Tout en refusant d'effectuer avec ses propres experts une autre reconstitution qui lèverait tous les doutes, elle reprend à son compte la conclusion toute théorique de MM LEBLANC et MARTIN: Une reconstitution objective n'est pas possible!

     C'est l'impasse, d'autant que le juge GUICHARD est saisi d'une autre demande d'entendre comme témoin le colonel SCHNEBELEN, patron des pompiers et des secours le jour du crash. Dans une récente audience d'un procès en diffamation intenté par l'État contre Maître Jean-Michel AGRON, avocat de Michel ASSELINE, il a affirmé  avoir vu deux boîtes neuves posées sur le sol durant plus d'une heure près de l'épave. On peut lire le résumé très instructif des débats lors des procès en diffamation.

       Sur ce point, la réponse tombe, confirmée en Appel: Pas question d'écouter le témoin, le temps a passé et le colonel "risque de ne pas avoir une mémoire précise des faits".

     Michel ASSELINE et plusieurs passagers déposent également plainte en récusation contre le juge GUICHARD. Ils estiment que l'équité et l'impartialité ne sont pas réunies pour instruire leurs plaintes au cabinet du juge colmarien.

     Si, d'aventure, les plaignants avaient raison, ce juge devrait en effet  "avaler son chapeau" puisque toute son instruction et son intime conviction sont basées sur l'axiome "irréfragable" de ses experts: les boîtes sont authentiques!

     Mais, sans surprise, la chambre de l'accusation de Colmar déboute les victimes du crash. Elle leur inflige même une amende pour avoir osé douter.

     Fin 2003, la Cour Européenne des Droits de l'Homme confirme en reprenant l'exact argumentaire des avocats de l'État français: la procédure est équilibrée et la justice française a parfaitement effectué son travail.

    Entre-temps, au début 2002, le juge GUICHARD qui avait été élu conseiller municipal à Strasbourg l'année précédente, n'instruisait plus ses dossiers qu'à mi-temps ( y compris l'enquête sur le crash du Mont Sainte Odile). Il a finalement quitté la magistrature de Colmar pour Paris où un poste de conseiller l'attendait à la mairie de M Delanoë. Son successeur au TGI de Colmar reprend tous ses dossiers.

     Un an et demi plus tard, ce juge décide d'un non-lieu pour les plaintes de faux et usage de faux.

La messe est dite, l'affaire de Habsheim est terminée.

Enfin presque puisque Claude GERARD, le porteur de boites noires, probablement assez mal rétribué pour services rendus dans sa carrière et probablement à la peine dans  sa retraite, dépose plainte contre...les passagers et Michel Asseline suite à leur plainte pour faux. Il s'estime calomnié, le bougre.

Laissant entendre que l'instruction approfondie d'une telle plainte nécessiterait à nouveau l'examen de certaine pièces pivots du dossier de Habsheim, le nouveau juge de Colmar  préfère fermer discrètement et définitivement le dossier  par un non-lieu.

C'est donc en 2008, vingt ans après l'accident qu'un trait est tiré. Une cérémonie du souvenir avec la présence de Jean Cyril SPINETTA, PDG d'Air France et de Jean Marie BOCKEL, secrétaire d'état, a parlé d'oubli.

Mais en est-ce vraiment un, face à ce véritable crash judiciaire ?